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CHRONIQUES

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- Mictions impossibles

Un homme de 77 ans a été condamné à 214 000 euros d’amende pour avoir tenté de casser à coups de marteau un urinoir. Pas n’importe lequel. Celui d’un artiste du courant « dada » exposé au Centre Pompidou à Paris. Dame ! Il aurait mieux fait d’y pisser un coup.
Il a justifié son acte comme étant une expression tout à fait dadaïste de contestation provocatrice.  Ca n’a pas marché en correctionnelle. A la place de son avocat, je lui aurais conseillé une autre ligne de défense, inspirée de mon expérience que je vous livre ici à toutes fins utiles.
Vous n’êtes pas sans ignorer que les pissotières furent édifiées par le préfet Rambuteau vers 1890. Un moment appelées colonnes Rambuteau, on les baptisa finalement vespasiennes, du nom d’un empereur romain qui établit un impôt sur les urinoirs. C’est d’ailleurs tout ce qu’on retient d’un homme qui, sentant venir sa fin, se leva pour mourir debout.
Bref, Paris après s’être distinguée pour ses petits lieux de commodité, certes assez odoriférants mais tout à fait désintéressés, en a vu la sournoise raréfaction puis la totale disparition. L’hygiène publique, avec un grand H, associée au commerce privé avec un grand C, s’est alors chargée d’implanter un  mobilier urbain spécialisé, sophistiqué et payant bien entendu. S’il existe de gros besoins, il n’y a pas de petits profits.
Je trouve à chaque fois grotesque de payer pour pisser. J’ai l’impression qu’on prend ma vessie pour une tirelire. Que voulez-vous, j’ai gardé ces manières rustiques qui me poussent à des arrosages libertaires, et gratuits. Et j’ai la nostalgie des jets primesautiers aux barrières des prés stridulants quand fuient les sauterelles, des cascades argentées au bord des caniveaux où chante l’eau de pluie, des arcs scintillants sous le nez de la lune.
Or, plutôt que de m’enfermer dans ces trucs automatiques– j’ai la phobie des cabines et des confessionnaux-, plutôt que de faire tinter mes pièces dans l’assiette des  pipis du métro, plutôt que de scandaliser les mamans des squares, je rentre dans un bistrot. Où j’avale  une bière, un café, pour accéder aux lieux d’aisance.
Donc, l’autre jour, pressé par la nature, je pénètre dans le premier bar venu. Un café s’il vous plaît ! Hélas, un plombier réparait les toilettes. Vite, le comptoir d’à côté. Un deuxième café. Sur la porte des waters : momentanément hors service. J’ai attendu longtemps à la porte du troisième chiotte de mon troisième bistrot qui doit être toujours occupé. Et je n’ai pas fini mon troisième café. J’avais envie de crier : Garçon la miction !

Boire, alimente inévitablement de nouveaux débordements. Aussi consommer pour pouvoir uriner est-il assez cocasse. Il est vrai que notre société compte d’autres absurdités sur lesquelles on évitera de s’étendre. Pas d’excitations inutiles.
Alors, pour en revenir au type de Beaubourg,  vous comprendrez, payer une entrée au musée, y voir exposé un urinoir, sans même pouvoir en user ! Lui ficher un coup de marteau, n’était-ce pas encore se soulager ?

 

Photos : Jean-Luc Petit / Site : HeerSpirit