- Amendements
Le président de l’Assemblée Nationale a empilé sur son bureau 275 ramettes, soit 27 500 feuilles censées figurer le volume du papier distribué aux députés pour l’examen des 137 500 amendements amoncelés par l’opposition. Un zèle pédagogique largement médiatisé. Or, Le journal Le Monde, décidément subversif, a prétendu que la liasse de ces plaisanteries ne représentait que 3035 pages, seuls les amendements discutés étant distribués, et ce à un maximum de100 exemplaires. Car il y a rarement plus d’élus présents sur les banquettes. Les journalistes en sont à chipoter pour 24 500 feuilles de différence ! Des fouille-petits.
La privatisation de Gaz de France a déréglé d’autres compteurs. Selon le ministre de l’économie, ces amendements calamiteux, concourent tout bonnement à la déforestation. Et cet expert de pleurer les 6 754 arbres sacrifiés à cette incroyable gabegie. On admire la générosité fantasque du nombre (et l’extraordinaire précision) chez un homme plutôt enclin à réduire à la louche les chiffres du chômage. La forêt amazonienne ne s’en remettra pas, déjà bien éprouvée par les 350 000 exemplaires du bouquin de Starkozi, menacée à brève échéance électorale par les centaines de millions de bulletins de vote. Et dire que ce désastre environnemental risque de donner aux sans-papiers un statut de militants écologiques !
J’ai toujours préféré les bons mots aux mauvais calculs. Aussi, ai-je cherché dans mon dictionnaire quelques éclaircissements sur « amendement » avec l’intention louable d’amender votre vocabulaire.
Amendement dérive du verbe amender dont l’ancêtre latin signifiait corriger, améliorer, et châtier. L’amendement a donc d’abord représenté une amélioration puis une modification d’un texte soumis à délibération, et destiné bien sûr à le peaufiner. Mais il peut servir à des desseins moins honorables, liposucer ou carrément dépecer un projet de loi.
Pour tout vous dire, les amendements que je préfère sont pondus par d’autres assemblées. Versés dans l’agriculture, ils concourent à la fertilisation des champs. Le fumier en demeure le symbole éminent. Les citadins, qui se shootent aux effluves carboniques et aux chiches excrétas des bêtes de compagnie, se pincent le nez devant ses tas odorants. Les amas vernissés du crottin, les bouses étales ont des parfums trop capiteux. Hélas, l’homo arrêtdebus, pif atrophié, narines aseptisées, préfère l’odeur des frites à ce gras fumet nourrissant.
Enfin, nous sommes tous bien placés pour savoir qu’amende, friandise du Trésor Public, joue la fliquesse de la famille. Le policier répend ses amendes comme le paysan épand ses amendements. On ne prendra surtout pas l’amandier pour un carnet de contraventions. Cet arbre délicat n’a jamais demandé qu’à faire amandes honorables.
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